Le Canada est-il une nation chrétienne? – Partie deux

La croyance que le Canada est une nation chrétienne repose généralement sur deux arguments. Le premier est que la population fondatrice du Canada était majoritairement chrétienne — précisément à 97 %. Cet argument suggère que puisque ces croyances et valeurs se reflètent dans nos documents fondateurs, cela se traduit par une obligation légale ou constitutionnelle sur laquelle les chrétiens peuvent s’appuyer pour obliger le Canada à continuer de refléter des valeurs chrétiennes. Mais, comme nous l’avons souligné dans la première partie de cette série, cette conclusion est erronée.

Le second argument est un peu différent. Il ne prétend pas que nous sommes légalement ou constitutionnellement un pays chrétien, mais plutôt que, puisque la majorité des Canadiens sont chrétiens, nous avons le pouvoir d’orienter les lois et la direction du pays par les processus politiques et démocratiques.

À titre d’exemple, le recensement national de 2021 montrait que 53 % des Canadiens s’identifiaient comme chrétiens. On soutient alors que tout ce qu’il faut pour réorienter la nation, c’est mobiliser les chrétiens, et que nous gagnerons alors tous les débats de politiques publiques et écraserons la minorité aux urnes. « L’Église est un géant endormi », disent-ils. « Nous devons juste nous réveiller, nous impliquer et reprendre notre pays. »

Dans mon livre, *Réorienter une nation*, je soutiens que même si cela était vrai et que les chrétiens constituaient la majorité démographique au Canada, utiliser cette majorité pour imposer le christianisme aux autres serait la mauvaise approche.

« Les chrétiens qui veulent changer le pays en imposant des changements au reste de la population ne comprennent pas que ce qu’ils proposent n’est ni souhaitable ni possible. C’est une démarche erronée et dangereuse pour la stabilité de la société civile et pour la santé de l’Église. Cela ne produira pas les fruits que nous souhaitons voir.

« Le changement peut être encouragé au niveau politique et dans les politiques publiques. Mais nous devons comprendre que ce type de changement doit toujours être précédé par un changement à la base, au niveau des communautés. Ce n’est qu’alors que le changement sera constructif et durable. Le changement organique et progressif est la clé pour réorienter la nation. »

Mais le fait que l’imposition du changement à la nation soit une mauvaise approche n’est qu’une des raisons pour lesquelles je ne suis pas d’accord avec cet argument. L’autre raison, c’est que contrairement à ce que disait le recensement de 2021, la majorité des Canadiens ne sont pas chrétiens.

Le recensement de 2021 indiquait que 53 % des Canadiens s’identifiaient comme appartenant à la foi chrétienne. En 2011, ce chiffre était de 67 %, et dix ans avant, il atteignait 77 %. Il est clair que, quelle que soit la façon de le mesurer, ce pourcentage est en chute libre.

Cependant, pour mieux comprendre ce que représentent réellement ces 53 %, il faut considérer les résultats d’un 2024 Cardus étude intitulée, “Still Christian (?)”.

Cardus, en collaboration avec l’Institut Angus Reid, a mené un sondage en février 2024 pour savoir ce que croient les Canadiens s’identifiant comme évangéliques, catholiques et protestants traditionnels — en gros, tous ceux qui entrent dans la catégorie « chrétien ». Le sondage a révélé que seulement 36 % de ceux qui s’identifiaient comme chrétiens étaient soit fidèles en privé, soit engagés religieusement. Le reste se disait « spirituellement incertain » ou « non religieux ».

Cela suggère que, sur les 53 % de chrétiens identifiés par le recensement, seulement 19 % sont des chrétiens actifs, que ce soit en privé ou en public. Et si l’on considère uniquement ceux qui se définissent comme « religieusement engagés », le nombre total de chrétiens descend à 9 %.

Mais la situation est encore plus préoccupante. Parmi ces 9 %, un quart a déclaré être d’accord avec l’affirmation suivante : « Toutes les religions, y compris le christianisme, le judaïsme et l’islam, sont également vraies », et seulement deux tiers ont reconnu que Jésus est Dieu. Cela signifie que, peu importe la case cochée par les Canadiens sur le formulaire du recensement, seulement environ 6 % sont véritablement chrétiens bibliques dans leurs croyances.

Ces chiffres nous révèlent la véritable réalité. Comme je l’écris dans mon livre :

« Le Canada a changé. Nous ne pouvons plus nous considérer comme une nation chrétienne. En vérité, nous ne l’avons jamais été, mais cela pouvait en avoir l’apparence parce que le christianisme bénéficiait d’un statut privilégié au Canada. Aujourd’hui, nous ne sommes plus qu’une voix minoritaire parmi d’autres. Nous n’avons plus la voix ni l’influence que nous avions autrefois. »

Il existe un récit populaire dans les milieux chrétiens selon lequel nous aurions le pouvoir d’imposer un changement politique ou sociétal simplement grâce à notre nombre, alors qu’en réalité, nous ne sommes pas aussi nombreux. Et comme je l’ai déjà dit, même si c’était le cas, ce serait la mauvaise approche.

Il est temps que l’Église au Canada reconnaisse que nous vivons dans une société postchrétienne. Nous pouvons avoir des Écritures sur les bâtiments du Parlement et Dieu mentionné dans notre Constitution, mais cela ne fait pas de nous une nation chrétienne ni ne nous donne ce qu’il faut pour réorienter la nation.

« L’idée que les chrétiens doivent contraindre la société à se conformer à nos normes et obligations morales va à l’encontre du cœur même de l’Évangile. Et si nous apportons cette attitude dans l’espace public, nous faisons plus de mal que de bien.

« Dieu tient profondément à la liberté de choix. Sa stratégie principale pour le changement est celle qui se fait de bas en haut et du cœur vers l’extérieur. Bien qu’il puisse imposer la justice à une nation en un clin d’œil, il ne le fait pas. Il cherche à toucher les cœurs des hommes et des femmes. » Notre engagement dans la sphère publique devrait refléter cette priorité. »

S’engager dans la sphère publique est une obligation pour les chrétiens. Nous avons reçu l’opportunité d’être le sel et la lumière, et de rendre notre nation meilleure pour tous. Mais pour être efficaces, nous devons comprendre que notre influence vient de la base vers le sommet, et non de haut en bas.